NOTIONS D'AERODYNAMIQUE QUATRIEME PARTIE
Après un rapide historique de l'aérodynamique appliquée aux voitures de course dans NOTIONS D’AERODYNAMIQUE, PREMIERE PARTIE,
nous avons donné quelques définitions concernant les profils d'ailerons dans NOTIONS D'AERODYNAMIQUE SECONDE PARTIE,
puis nous avons étudié l'impact des différents paramètres des profils d'ailerons sur l'appui aérodynamique et sur la traînée induite dans NOTIONS D'AERODYNAMIQUE TROISIEME PARTIE
Maintenant, nous allons poursuivre par l'étude d'un cas concret d'application avant d'aborder l'effet de sol.
AILERONS DE LA TATUUS FR2000
Ce qui suit est extrait du mémoire que Yves MIEHE a bien voulu mettre à notre disposition. Yves est un passionné d'automobiles et un pratiquant occasionnel de la Formule Renault et plus fréquemment du kart. Yves a effectué son stage de Diplôme d'Etudes Approfondies en mécanique des structures et systèmes couplés au sein de l'écurie Tech 1 en 2001. Il a travaillé sur l'aérodynamique des FR2000 de l'époque, c'est-à-dire sur celles équipées de l'aileron arrière simple plan constitué de trois profils montés sur un double mat central et de l'aile avant rectiligne en tôle d'alliage d'aluminium.
Des essais en soufflerie ont été réalisé dans le tunnel du CEAT à Toulouse sur l'aile arrière. Ce tunnel peut créer des vents de 42 m/s soit 151 km/h environ. l'aileron de la Formule Renault a été installé sur un support permettant de mesurer les efforts et les couples générés dans les trois directions. L'angle choisi pour le plan principal de l'aile a été réglé comme sur la monoplace à - 8 °. Des essais ont été effectués avec des volets braqués de 2 à 34 degrés.
L'aile avant a été testée à Supaero qui possédait une soufflerie de plus faibles dimensions, mais équipée d'un tapis roulant permettant de simuler l'effet de sol. Le débit d'air de cette soufflerie est limité aux alentours de 16 mètres par seconde soit environ 58 km/h. Des essais ont été réalisés avec des angles d'incidence compris entre 4 et 14 °. D'autres ont été faits en faisant varier la hauteur de l'aile par rapport au tapis afin d'étudier l'impact de l'effet de sol
Yves à relevé les valeurs suivantes :
cliquer dans l'image pour l'agrandir.
Il s'avère que l'aile avant est bien sensible à l'effet de sol, mais la règlementation de l'époque imposait une hauteur minimale de 70 mm ce qui empêchait d'en profiter.
Il a été également démontré que l'aile arrière décroche lorsque l'angle d'incidence est trop important (volets braqués au maximum = valeurs en rouge dans le tableau.)
Nous remercions Yves MIEHE pour la mise à disposition de ces données.
Nous abandonnons maintanant notre cas d'étude qui a permis de mettre en évidence l'effet de sol pour nous consacrer à l'étude de cet effet.
EFFET DE SOL
Historique
Les effets négatifs de l'effet de sol sont connus depuis fort longtemps, c'est-à-dire les années 50 du vingtième siècle. Mais personne n'avait pensé à se servir de cet effet pour en tirer parti. Personne, jusqu'au jour ou...
Nous sommes en 1968. Peter Wright travaille avec Tony Rudd pour l'écurie de Formule un BRM. Ils effectuent des tests en soufflerie à l'Imperial college de Londres. Le travail porte sur l'optimisation des formes inférieures de la carrosserie des BRM pour en limiter la trainée. Un nouveau design est mis au point. Mais la voiture ne roulera jamais sur une piste et Wright et Rudd quittent l'écurie.
Tony Rudd
On retrouve ces deux protagonistes en 1975 à l'Impérial college. Il s'agit de mettre au point une Lotus F1 pour Collin Chapman en mettant en application les acquis des expériences faites pour BRM. Ils travaillent dans la soufflerie équipée d'un convoyeur pour simuler le roulement sur la piste. Ils remarquent que les pontons destinés à recevoir les radiateurs et les réservoirs s'affaissent et que cela produit des résultats inconstants. Après en avoir renforcé les fixations, ils décident de rendre étanches les pontons de la maquette à l'échelle 1/4 sur laquelle ils travaillent.
Les résultats qu'ils obtiennent alors sont simplement incroyables... Les bénéfices de l'effet de sol viennent d'être découverts !
Dès 1976 Mario Andretti effectue des essais avec la Lotus 78 présentée dans la première partie de cet article. Les temps au tour tombent de deux secondes. En 1977, la 78 commence à gagner des courses !
L'effet de sol n'a pas été inventé, il a juste été découvert !
Comment fonctionne l'effet de sol
On a vu dans la première partie de cet article comment fonctionne un venturi. L’effet de sol utilise la même technique. En accélérant l’air sous la voiture, on crée une zone en dépression par rapport à la pression atmosphérique. C’est donc exactement le même principe que celui qui est utilisé pour les ailes. Mais il y a une différence importante dans le cas de l’effet de sol : la surface du fond de la voiture est considérablement plus grande que celle d’un aileron. Par conséquent, les efforts d’appui qu’on peut en tirer sont très importants. De plus, ajouter une aile signifie obligatoirement ajouter de la masse qui va limiter les accélérations et les freinages, alors que quoi qu’on fasse, on est bien obligé de mettre un fond sous une voiture, et il aura fatalement une forme plus ou moins parallèle au sol.
Les trois parties du venturi
Le venturi se compose de trois parties :
- Le convergent est la zone où l’air va être accéléré. Il est situé à l’avant de la voiture.
- Le fond plat est la zone où la vitesse de l’air est maintenue à une valeur élevée. Il est situé au centre de la voiture.
- Le divergeant qu’on appelle extracteur a pour rôle de ramener l’air à la pression atmosphérique sans créer de turbulence qui induirait une forte trainée aérodynamique.
Nous allons passer en revue les principaux paramètres qui impactent l’efficacité du dispositif.
Le convergent
Généralement, pour les monoplaces, la règlementation impose un fond plat à l’avant de la voiture. On ne peut donc pas installer de dispositif au niveau du fond. Par contre, on sait que l’aile avant et les roues vont perturber le flux d’air en amont du fond plat. On a donc intérêt à s’organiser pour que l’air arrive avec une vitesse plus grande sous la voiture que dessus. Ce n'est pas forcément facile...
Pour une berline, on a beaucoup plus de liberté, mais on a une autre contrainte : la hauteur sous coque est généralement bien plus importante sur une berline. Il est donc plus difficile d’accélérer l’air.
Nous allons maintenant étudier l'impact des variations de pente d'un convergeant.
Dans les graphiques ci-dessous, on a supposé que le dessous de la voiture est parfaitement plat, que le convergeant l’est également, tout comme l’extracteur (divergent) et que la largeur du véhicule est infinie, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’effet de bord (fuite d’air sur les cotés.) On suppose aussi au départ que le dessus de la voiture est parfaitement horizontal. C’est évidemment impossible, mais on ne cherche pas à raisonner sur des valeurs absolues d’appui, mais seulement sur les différences d’appui liées à des différences de forme de convergent, de fond plat ou d’extracteur. Enfin, on suppose qu’il n’y a rien susceptible de dévier l’air devant ce fond à trois faces.
Ci-dessous, les résultats d'une simulation numérique de l'écoulement de l'air sous une monoplace théorique (et fortement simplifiée pour les besoins de notre étude). La simulation est réalisée à Mach 0,2 soit environ 200 km/h. La forme en noir symbolise le véhicule. Les zones qui apparaissent en rouge sont au voisinage de la pression atmosphérique. La partie éloignée du profil étudié est en jaune parce que sa pression est légèrement inférieure à la pression atmosphérique. On ne simule pas une auto qui avance dans l'air statique, mais un flux d'air qui arrive à Mach 0,2 sur une surface statique. Les zones apparaissant en bleu sont celles qui nous intéressent parce que ce sont celle où la pression est très basse. d'autant plus basse que le bleu est intense.
Le dessus est ici supposé plat puisqu'on ne s'intéresse ici qu'à l'effet du fond plat. Ce dernier se compose d'un convergent à 15 °, d'un fond plat parallèle au sol et placé à 20 mm du sol et d'un divergent (extracteur) droit et incliné de 5 ° par rapport au sol. Comme on peu le lire, Cz est négatif, il y a donc déportance, c'est-à-dire "appui aérodynamique" (en fait d'appui, c'est de la succion appliquée sous la voiture.) Le coefficient de déportance, autrement dit le coefficient d'appui aérodynamique est égal à 0,239 dans ces conditions. La zone en dépression apparaît en bleu dans l'image de synthèse. Les lignes symbolisent l'écoulement de l'air. Les petits traits représentent l'orientation qu'auraient des brins de laine emportés par le flux d'air. On peut ainsi visualiser les turbulences.
Ici, le Cx a été estimé à -0,98.
Prenons maintenant le même profil, mais faisons-le fonctionner dans l'autre sens : convergent à 5 ° et divergent à 15 °. distance du sol identique. La trainée a doublé alors que l'appui a été diminué. C'est donc une moins bonne solution. Et on le voit bien sur l'image de synthèse puisque le bleu sous le fond plat est nettement moins intense. En fait, la pente douce en entrée a un effet d'entonnoir qui s'avère catastrophique .
Le fond plat
En reprenant l'architecture et les hypothèses qui ont servi pour le convergeant, on montre que la pente du fond plat impacte fortement l'effet de sol.
Maintenant, on conserve le convergent et le divergent, mais la partie centrale est inclinée de 2 ° par rapport au sol. L'arrière est plus haut que l'avant.
La zone en bleu, où règnent de faibles pressions est nettement moins grande. L'appui est nettement plus faible puisque le coefficient de portance passe à -0,061 et le Cx à -1,99. C'est le même profil, pourtant le coefficient trainée à doublé (et la trainée a bien plus augmenté puisque la surface frontale a aussi augmenté) et l'appui aérodynamique a quasiment été perdu.
les solutions les plus simples étant souvent les meilleures, essayons maintenant un fond plat, tout simple, sans convergent ce qui ressemble beaucoup au fond plat d'une monoplace sauf en ce qui concerne l'extracteur. L'appui augmente considérablement et le coefficient de trainée diminue (on parle bien du coefficient.)
L'extracteur
En reprenant l'architecture et les hypothèses qui ont servi pour le convergeant et le fond plat, on montre que la pente de l'extracteur impacte fortement l'effet de sol. Dans la pratique, les extracteurs ne sont jamais plats mais ont plutôt un profil qui suit une loi du second degré.
La simulation suivante a été réalisée avec un profil qui commence à ressembler à celui d'une monoplace réelle qui serait dépourvue d'ailerons. A l'avant on trouve un "splitter", c'est-à-dire une lame fine, ensuite une forme qui pourrait être celle d'un ponton avec un fond plat, puis un extracteur plat incliné de 15 °.
Le coefficient de déportance passe à - 1,239 ce qui signifie que l'auto a plus de cinq fois plus d'appui que dans le premier cas étudié.
Toute choses étant égales par ailleurs, plus l'extracteur est long, plus la zone où l'air circule à grande vitesse est étendue. On a intérêt à créer une zone en dépression après la sortie de l'extracteur ce qui renforcera son efficacité. Sur une monoplace, on y parvient en plaçant une seconde aile sous l'aileron principal arrière qui, rappelons le, à tout intérêt à être le plus haut possible à cause des turbulences créées par la carrosserie. d'ailleurs ce n'est pas pour rien que la hauteur des ailerons est réglementée. Voilà pourquoi les monoplaces modernes ont presque toutes deux ailes superposées et séparées par une grande distance. C'est notamment le cas des Tatuus FR 2000 évo 2004 et évo 2007.
Impact de la garde au sol
Qu'il s'agisse du fond ou de l'aile avant, la garde au sol impacte fortement la vitesse prise par l'air sous la surface et par conséquent la succion provoquée. Jusqu'à une certaine limite, plus la distance entre la surface et le sol est faible plus l'air est accéléré. Au-dela de cette limite, la tendance s'inverse et la trainée augmente de manière très importante comme on peut le voir sur les simulations numériques que nous avons réalisées et qui sont présentées ci-dessous.
Effet sur les ailes avants
L'aileron avant d'une monoplace est aussi sensible à l'effet venturi que nous venons de décrire. sa surface moindre que celle du fond de l'auto limite les gains, mais c'est un peu compensé par le fait que le flux d'air arrivant sur l'aile avant n'est pas perturbé et arrive parfaitement parallèle au sol. On pourra se reporter sur les mesures faites par Yves MIEHE pour vérifier que l'effet de sol fonctionne aussi sur l'aileron avant.
Nous avons aussi réalisé quelques simulations numériques pour vérifier s'il y avait une bonne corrélation entre les mesures de Yves et les calculs qu'on pouvait réaliser avec nos logiciels acquis avec des moyens limités. On constate effectivement que les résultats du calcul et ceux des essais varient dans le même sens, même si les valeurs de calcul méritent d'être récalées. En calcul, on ne travaille qu'en relatif, jamais en absolu...
On remarquera que dans le cas présent, lorsque l'aile est à 20% de sa longueur de corde du sol, l'appui aérodynamique procuré est le double de celui donné par la même aile placée loin du sol.
Cliquer dans l'image pour l'agrandir
Il est important de remarquer qu'une auto équipée de suspensions souples devient rapidement ingérable dès que les variations d'effet de sol deviennent importantes. C'est la raison pour laquelle toutes les monoplaces modernes à effet de sol ont des raideurs de suspension très importantes.
Berlines
On a vu que l'effet de sol existe sur les berlines. Il est plus faible parce que les hauteurs de caisses des berlines sont toujours importantes. Une berline n'a en général pas un fond plat. Au contraire, il y a souvent beaucoup de choses sous la coque : système d'échappement, roue de secours, réservoir de carburant, etc. Tous ces organes provoquent d'importantes turbulences et ralentissent le flux d'air. De plus, une berline prend du roulis et a des raideur de suspensions faibles. Aucune berline ne peut avoir autant d'effet de sol qu'une monoplace ou un proto.
Une des premières choses à faire lorsqu'on prépare une berline pour le circuit est d'essayer de rendre le fond le plus plat possible en supprimant le maximum d'organes en saillie.
La majorité des berlines souffre aussi d'un autre défaut : l'air qui sort des radiateurs du moteur lorsqu'ils sont placés à l'avant est souvent réinjecté sous la caisse ce qui peut provoquer d'importantes turbulences. C'est probablement la raison pour laquelle, les sorties d'air des Renault 5 turbo (8220 à moteur central) étaient placées sur les capots avant. Lesquelles R5 turbo disposaient d'un fond totalement plat, sans aucun organe dépassant à l'exception de la barre stabilisatrice avant, commençant dès le spoiler et se terminant juste en amont du carter de distribution.
La R5 Turbo préparée par TRD dans les années 80
TRD CARS are lubricated by RED LINE
http://www.garage-varinot.fr/red-line-oil-huile-moteur/
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