Coupe de France des circuits Anneau du Rhin 2015
L'accrochage avec Alain Castellana lors de la course de Lédenon trois semaines plus tôt avait laissé notre monoplace dans un piteux état.
Lors du choc, le demi-train arrière gauche avait été endommagé. Outre le push rod plié à l'équerre, on découvrit en sortant l'auto du camion avec Franck di Maîo qu'une rotule avait été sectionnée et que la transmisison avait pénétré dans le différentiel autobloquant en éclatant le porte soufflet de sortie de boite. Le démontage du différentiel permettait de constater qu'un planétaire avait été fissuré. La carrosserie avait subi de très nombreux dommages du côté gauche. Peu impressionnants au premier abord, les dégâts s'avéraient en fait assez importants puisque l'ensemble des pièces du flanc gauche avaient été touchées, heureusement très localement.
Remonter l'auto en moins de trois semaines semblait un pari osé. Tout d'abord, il n'était pas question d'acheter les pièces qui pouvaient être réparées. Faire effectuer la réparation avec des pièces 100% neuves aurait coûté pas loin de 5000 Euros. C'était évidemment inconcevable. Ensuite, dès le lundi, on a appris que le planétaire qui devait être remplacé n'était disponible ni chez Renault sport, ni chez SADEV son fabricant. Même en laissant un (beau...) chèque, on ne pouvait pas nous donner de délai de livraison parce que l'usine était en rupture d'approvisionnement d'un demi-produit nécessaire à la fabrication d'une série de planétaires. Il était évidemment hors de question de remonter une pièce fissurée dans l'auto, même si ça ne l'aurait pas empêchée de fonctionner. D'ailleurs, il était impossible de prévoir combien de temps elle aurait pu fonctionner ainsi...
Après une demi-journée de recherches dans toute l'Europe, une seule pièce d'occasion disponible avait été trouvée chez LAMO RACING. Et Laurent Lamolinairie a accepté de nous la céder pour nous dépanner. Quand nous avons reçu cette pièce, des trois semaines entre les deux courses, il n'en restait déjà plus qu'une. Les autres pièces commandées chez Renault sport et chez Danielson équipement ont aussi mis un temps important à arriver. Sans ces pièces, commencer les réparations mécaniques était impossible. ça a laissé un peu de temps pour réparer la carrosserie. Afin de réaliser une réparation solide et légère, il a été décidé de ne pas employer de mastic. La carrosserie à été réparée à 100 % avec de la fibre de carbone , de la résine époxy et du nid d'abeille aluminium. Elle est donc parfaitement conforme a son architecture d'origine. Mais c'est un travail fastidieux et important qui dut être fait.
J'ai profité du délai d'approvisionnement des pièces pour renouveler mon stock de solénoïdes et pour monter un démarreur neuf sur le moteur. Ces pièces ont une espérance de vie très courte. Surtout par fortes chaleurs.
Finalement les réglages de l'auto ont été terminés le jour du départ pour l'Anneau du Rhin. En moyenne, 12 heures par jour ont été consacrées à la réparation en excluant trois jours consacrés à d'autres tâches.
Voyage sans histoire sur une autoroute peu fréquentée et parfaitement propre (comprenez sans radar surprise...)
L'avantage du camion, c'est qu'on peut encore rouler 450 kilomètres avec le pied à la planche.
L'Alsace est une très belle région où au détour d'un chemin on découvre de belles maisons colorées.
A mon arrivée en Alsace, je suis accueilli par Gérard Behra et son épouse qui ont la gentillesse de m'inviter à déjeuner avant de rejoindre le paddock qui n'ouvre qu' à 14 heures.
Avec Gérard, le déchargement du camion et l'installation de notre matériel est réalisé en un temps record. Mais en déchargeant Gérard tombe du camion et semble s'être fait très mal. Mais mal ou pas, il n'arrête pas de travailler et il s'avère d'une grande efficacité. Merci encore Gérard.
Première séance d'essais privés
La première séance d'essais privés du vendredi s'avère catastrophique. L'auto ne tient pas par terre. Surtout dans les virages lents. Je n'arrive pas à me concentrer sur mes trajectoires. Tout va mal. Je roule comme une auto-école... La vidéo suivante a été tournée lors de cette première séance d'essais.
Je décide de monter les pneus prévus pour la course pour la seconde séance d'essais privés qui doit avoir lieu le samedi matin. Le soir Thierry Auvray nous rejoint et ensemble nous modifions les tarages de ressorts pour tenter de rendre l'auto plus docile.
Seconde séance d'essais privés
Trois gouttes sont tombées, juste pour qu'on se pose quelques questions, mais finalement c'est sous la canicule que va se dérouler cette séance.
La seconde séance d'essais privés montre que notre travail a été profitable. Même de l'extérieur, mes mécanos voient tout de suite les progrès. L'auto est devenue précise et je me sens nettement plus à l'aise à son volant. Un arrêt au stand permet de constater qu'à cause de la chaleur intense qui règne sur la piste, la pression des pneus à froid a augmenté de plus de 50 %. Gérard me dit que les pneus sont brûlants. Mes mécanos (Brice est venu rejoindre Thierry et Gérard) dégonflent un peu et je reprends la piste.
Je me fais plaisir au volant de l'auto. Si je ne parviens pas à prendre la courbe Adrénaline à fond, de sixième j'arrive tout de même à passer en 6 sans toucher aux freins mais en relâchant les gaz pour placer l'auto en entrée de courbe. Il faut faire très attention à ne pas quitter la trajectoire ici. En effet, en dehors de la trajectoire, la piste est particulièrement sale et offre une adhérence très inférieure.
Je m'amuse bien. Cependant, je me fais rattraper par une Formule trois et je lui cède le passage. Le petit instant de déconcentration qui suit me fait prendre une mauvaise trajectoire dans le S du Sanglier. Je rate le point de corde du premier gauche d'environ 80 cm. L'auto se retrouve propulsée sur le vibreur du droite suivant, mais je ne lève pas le pied. Et c'est là que je prends conscience de la gravité de mon erreur. Ce vibreur abordé aux alentours de 180 km/h jette ma monoplace sur celui du gauche qui suit. L'auto grimpe le vibreur, hésite longtemps à cheval sur celui-ci, mais finalement la roue arrière gauche touche l'herbe. Je perds instantanément l'arrière. L'auto traverse la piste à plus de 45 °, comme le montre la jolie croix qu'ont laissé les slicks sur le bitume, puis se retrouve enlisée au milieu d'un accueillant bac à graviers.
En attendant, la dépanneuse, je deviens un spectateur privilégié. Bien protégé derrière un rail de sécurité, je ne suis qu'à quelques mètres de la piste et je vois passer mes camarades de jeu. Sincèrement, je trouve que c'est plus impressionnant de l'extérieur que lorsqu'on est derrière le volant. Les moteurs qui hurlent propulsent les monoplaces en plein appui à des vitesses qu'on ne peut malheureusement plus atteindre même en ligne droite sur la voie publique. Et c'est vrai même pour les moins rapides...
Pas de bobo, mais il faut plus d'une heure pour enlever tous les graviers. Il y en a de partout. Jusque sous le baquet et dans la crash-box.
Evidemment l'extracteur est aussi plein que la benne d'un camion de l'Equipement... D'ailleurs, je trouverais juste que l'Equipement me sponsorise, vu que je fais leur travail : je nettoie les fossés à leur place...
Je blague avec la fille qui est venue me chercher avec la dépanneuse : "J'espère que vous n'allez pas me facturer les graviers au kilo, sinon je vais devoir vendre la voiture pour tous vous les payer..."
Blague à part, si monsieur Hollande voulait bien faire installer des bacs à graviers aux alentours des virages dangereux, ce serait quand même bien plus efficace que de martyriser les automobilistes avec des radars. J'ai quand même quitté la piste à une vitesse que la moitié des français n'ont probablement jamais atteinte dans leur vie.
Rudy Volpe vient me voir à la suite de problèmes de démarreur de sa Tatuus dont le solénoîde a décidé de faire une crise... heureusement j'ai du stock et je lui en vend un.
Troisième séance d'essais privés
Pour la troisième séance d'essais privés, on monte un train de pneus anciens pour préserver les meilleurs slicks qui doivent faire les essais qualificatifs.
Les pneus montent toujours à des pressions et des températures assez inhabituelles. J'ai plus de mal avec ces pneus qu'avec les slicks de la seconde séance, mais l'auto a tout de même un comportement nettement plus sain que la veille. Mes mécanos dégonflent encore lors d'un arrêt au stand. Au moment de repartir, mon beau démarreur tout neuf refuse tout service. Mes mécanos poussent, mais le moteur ne repart pas. Nous évacuons la pit lane et parvenons enfin a redémarrer sur le paddock.
Séance d'essais qualificatifs
On a à peine le temps de déjeuner qu'il faut déjà préparer l'auto et changer le démarreur. On est à la bourre et je dois abandonner mes mécanos qui finissent l'auto pour enfiler ma combinaison. Je saute dans le cockpit et pars en trombe en pré-grille. C'est bizarre, je suis seul sur la pré-grille...
Je me suis trompé d'une heure. On avait largement le temps...
Les autres membres de l'équipe vont voir une course de Clio et une course de barquettes pendant que j'essaye de me concentrer à l'ombre.
Quelques barquettes avant le départ.
Pour ne pas avoir à m'arrêter au stand pendant la séance de qualification, je réduis la pression de mes pneus de 100 grammes. Lorsque l'heure approche, je m'inquiète de ne pas voir revenir mes mécanos et je commence à me préparer seul. Je sens que je commence à m'énerver. Ce n'est jamais bon...
Finalement l'équipe revient alors que je suis en train de me bagarrer avec mon harnais.
Nous retrouvons l'ensemble des pilotes lors de la séance d'essais qualificatifs. J'espère tourner dans les temps de Francis Parent comme à Ledenon. Ce pilote a explosé son étonnant moteur Volkswagen-Suzuki Hayabuza (culasse Hayabuza sur bloc VW) à Ledenon et n'a donc pas pu terminer cette course.
Francis Parent et sa Lola F3 VW-Hayabuza
En fait, je ne parviens pas à me sentir à l'aise avec l'auto et je m'arrête tout de même au stand. Pour une raison inexpliquée, 100 grammes de moins à froid donnent 350 grammes de moins à chaud et les pneus ne sont pas assez gonflés. Je repars comme ça et je me retrouve bouchonné derrière des pilotes qui ne vont pas très vite. Finalement, j'écope du 16 ème temps. C'est minable... Parent est loin devant...
Le soir, je vais discuter un moment sur le stand du Lamo racing et j'apprends que les pilotes Lamo ont aussi eu leur lot de problèmes de démarreurs... Je maudis les gens de Renault sport d'avoir choisi ce type de démarreur qui nous embête tous. Je ne peux pas dépanner Laurent et ses pilotes car il ne reste plus qu'une seule pièce de rechange dans mon camion. Et je crains une nouvelle défaillance sur ma voiture. Par contre, je dépanne Herbecq qui a la suite d'une sortie en qualification a détruit un joint homocinétique. Par chance, j'en ai un complet neuf dans mon camion.
Samedi soir
Peu après notre arrivée sur le paddock nous avons découvert au milieu de la horde de Twingo de la twin'cup des engins de course au look bizarre qui nous rappelle quelque chose.
Non, vous ne rêvez pas... ce sont des Citroën 2 CV de course. Les plus puissantes sont équipées d'un moteur de moto BMW de 850 cm3.
Si l'on en croit leurs mécanos, ces monstres au look qui ne laisse personne indifférent atteindraient 200 km/h. I
En tout cas, ces engins pétaradant et souvent très graillons disputent des courses d'endurance et on y a eu droit le soir. La course s'est terminée à minuit. Je croyais pouvoir enfin dormir pour être en forme le lendemain. Raté ! A l'arrivée de la course ont a eu droit à une séance de youyous. J'ai failli ressortir de mon lit pour aller voir si une princesse arabe n'était pas en train de se marier sur le paddock... Ensuite, les citroënophiles ont rechargé leurs bestiaux dans leurs camions avec force bruit. Et le bazar s'est enfin calmé vers 2H49...
Course N° 1
J'ai mal dormi (Sic)... J'ai le moral dans les chaussettes à cause de mes temps minables en qualif.
Thierry s'est payé la corvée du décapage des pneus pour que je puisse prendre un bon départ.
On part sur quatre rangées en décalé. ça ne m'est jamais arrivé et je crains de foirer complètement mon départ.
Les feux s'allument un par un. Je cale le régime moteur à l'optimum. Départ !
La Tatuus s'arrache sans aucun patinage. En une fraction de seconde je suis à ras de celle de devant qui a moins bien démarré que moi. Je frôle le muret des stands. Et en deux secondes, j'ai déjà dépassé quatre monoplaces. Personne ne m'a dépassé. Je suis donc probablement 12ème. La horde de monoplaces se rue dans la ligne droite. La courbe Adrénaline s'approche. Comment passer au milieu de ce chignon sans risquer l'accrochage ? Finalement, le pilote devant moi relâche un peu et s'écarte légèrement avant Adrénaline et ça me permet de me placer en face d'un trou et de freiner un poil plus tard que d'autres. Je gagne encore une place au freinage. Sur ma gauche à l'avant, un pilote part en tête à queue. Tout le monde le contourne par la gauche. Je suis trop mal placé, je passe à droite sur le vibreur. Je gagne peut-être une place, mais je la reperds rapidement en me faisant passer à l'entrée du gauche de la Forêt.
S du sanglier, les positions se stabilisent. On roule encore à moins de dix mètres de celui de devant et on arrive sur la chicane à plus de 200. ça passe. Ouf !
Devant moi, il y a une Formule 3 noire. La Dallara N° 18 de Jean-Luc Néri.
Les Formule3 ont des moteurs plus performants que les formule Renault. Je vais me faire larguer dans la ligne droite...
Finalement moins que ce que je croyais.
Je récupère mon retard à Adrénaline, mais j'ai toujours une meute de monoplaces à mes trousses. On arrive dans le serré, la F3 a un moteur plus souple, je vais me faire bouffer dans le lent...
Même pas trop.
On fait quelques tours, lui devant, moi derrière. Chaque fois c'est pareil : il me lâche un peu dans la ligne droite et je refais mon retard dans Adrénaline. Il y a quand même eu un tour où je suis passé dans la poussière en serrant très très fort les fesses...
On arrive maintenant à la chicane Yvan Muller. Il freine à 100 mètres. Normalement, je freine à 80-85. Je retarde à 60 mètres. Je suis devant lui !
Mais ma Tatuus arrivant trop vite dans Yvan Muller tire droit et je ne parviens pas à négocier la chicane. Je reperds la place acquise quelques instants auparavant. Je suis toujours derrière cette Dallara F3.
Je vais récupérer un peu mes esprits pour l'attaquer au tour suivant.
Hélas, alors que j'aborde la ligne droite des stands, je vois un panneau DRIVE THROUGH. Je n'ai pas eu le temps de lire le N°, mais je suis persuadé que c'est une sanction qui m'est destinée pour avoir coupé la chicane. J'obtempère en parcourant la pit à 60 km/h alors que les autres se ruent dans la ligne droite.
Je perds probablement quatre places dans le drive through. Je ressors au cul du 52 Rudy VOLPE. Il me lâche, mais je refais une partie de mon retard à Adrénaline. Puis ils me sème dans le serré avant que je le recolle dans le rapide. Je vais l'attaquer au freinage de la chicane.
En fait, mon attaque ne suffit pas et Rudy garde sa position, alors que je passe la chicane en vrac. Pendant que je me bats avec mon volant pour rester sur la piste, je vois un nuage de poussière s'élever au-dessus de Loeb. Rudy, sans doute préoccupé par mon attaque, a passé le vibreur...
Et c'est probablement parce Rudy avait pourri ses pneus dans la poussière de Loeb qu'il a fait un superbe tête à queue juste après dans le double droite des champions...
Je termine 13 ème avec beaucoup d'amertume à cause du drive through. Mais la règle est la règle et il faut la respecter...
La première course est gagnée par Sébastien BANCHEREAU devant Philippe HERBECQ et David CRISTINI.
Course N° 2
Ce coup-ci, c'est Gérard qui se colle à la corvée du décapage des pneus.
Le début de la seconde course est assez anodin. Une fois le classique embouteillage au freinage après Adrénaline, le peloton commence à s'étirer. Cette fois-ci, je suis devant la Dallara N°18 et les positions semblent se stabiliser comme ça. Pourtant après quelques tours, je remarque que la monoplace noire que j'aperçois dans mes rétroviseurs n'a plus le même comportement. Le pilote qui semblait calme au départ de la course me parait maintenant vouloir me passer quitte à prendre des risques. Il est très difficile d'identifier une monoplace avec précision dans un rétroviseur de monoplace dont le champ de vision est extrêmement restreint. Pourtant, je finis par m'apercevoir que l'auto qui me suit a des dérives rouges.
Après la course, en regardant les photos prises sur le paddock, je constate que la Tatuus noire aux dérives rouges arbore une tête de mort sur son capot...
Ce n'est donc plus la Dallara N°18. Voilà pourquoi le comportement du pilote a changé.
A ce stade, je suis en tête d'un groupe et n'ai aucune chance d'aller rejoindre celui qui me précède car il a déjà réussi à creuser un écart significatif. Je cherche donc uniquement à défendre ma position. C'est la première fois de ma vie que je roule comme ça. Habitué aux rallyes où on se bat contre un chronomètre, sans jamais voir son adversaire, je suis en train de piloter comme je ne l'ai jamais fait auparavant : tant pis si je ne vais pas vite, pourvu que l'autre reste derrière...
Je ferme donc systématiquement toutes les portes à mon suiveur. Tant que je conduirais comme ça, il ne pourra pas passer. J'avoue que c'est un peu frustrant de conduire avec sa tête plutôt qu'avec ses tripes. De loin, j'ai toujours préféré les rallyes où l'on se donne à fond en espérant que les autres n'iront pas plus vite. Mais là on est sur une piste et ça me fait un bel exercice de management de position.
Et ça dure longtemps... Jusqu'au quatrième tour où mon suiveur se jette sur ma monoplace comme une boule sur des quilles. Le choc est assez violent. Des morceaux de carrosserie volent en l'air. Je prends un gros morceau de dérive dans mon casque. Ma Tatuus est projetée au-delà du vibreur. Je reste accélérateur ouvert à moitié pour essayer d'éviter l'enlisement dans les graviers....
L'auto patine, ralentit, mais elle arrive à s'extraire du bac. Mon ponton gauche tout frais repeint doit être complètement démoli... Je continue prudemment pour permettre à mes pneus de se nettoyer. Mes trains ne semblent pas touchés, l'auto tient toujours bien par terre. Elle glisse juste un peu plus, mais c'est probablement parce que les pneus sont sales.
Dans les rétros, je ne vois plus mon agresseur. Il a du casser quelque chose en me percutant.
Au tour suivant, il n'y a plus de trace de notre accrochage. L'attaquant a disparu. Où est -il ?
Je reprends confiance et je me dis que je pourrais repasser la Dallara 18 qui est passée devant moi pendant que je jardinais dans le bac à graviers. Alors que je me rapproche d'elle, un double jaune m'invite à ralentir, puis un second. Pourtant, je ne vois rien d'extraordinaire... Un panneau vient m'informer qu'on est passé en procédure de Full Yellow. Défense de dépasser.
ça dure plusieurs tours. Le chrono tourne. Je n'arriverais probablement plus à trouver le temps de dépasser la Dallara.
Le damier tombe dans la ligne droite alors que l'aileron arrière de la Dallara est encore devant moi.
Je suis encore treizième... La seconde course est gagnée par Sebastien BANCHEREAU devant Philippe HERBECQ et Alex CARNEJAC
Heureusement, les dégâts sur mon auto sont nettement moindres que sur celle du "flibustier"... Un ponton à repeindre et un barge-board à réparer. Et dire que la peinture n'avait pas huit jours...
Pendant qu'on rafistole le barge-board avec de la tôle d'aluminium et des rivets pop, l'agresseur vient présenter ses excuses. " J'ai bloqué la boite sans le vouloir et ça m'a propulsé contre toi". Excuses acceptées sur le coup avec fair-play. D'autant plus que la Tatuus noire aux dérives rouges a été pas mal amochée dans l'abordage de la mienne.
Pourtant, un peu plus tard, un pilote qui nous suivait a rapporté à Gérard que mon adversaire avait un pilotage particulièrement "agressif" selon ses propres mots. Je n'ai pas voulu en savoir plus. Mais maintenant, je vais me méfier de ce gamin qui, s'il persiste à se jeter sur ses adversaires finira bien par tomber sur quelqu'un qui aura les moyens financiers de le sortir pour de bon, quitte à pulvériser une monoplace.
Course N°3
On commence tous à être sérieusement fatigués par la chaleur et les péripéties du week-end. Personne n'a le courage de décaper les pneus avant le départ. C'est une grave erreur. Le tour de chauffe ne suffit pas pour enlever toute la gomme brûlée et les gravillons incrustés dans les pneus. Je patine beaucoup au départ et je perds bêtement des places.
Je crois être parti pour un nouveau duel avec la Dallara N° 18, mais en fait rapidement je me retrouve en bagarre avec la Tatuus rouge et noire. Je suis devant. Sur ce circuit où les dépassements sont assez faciles, ce n'est pas un gros avantage.
Je décide de jouer la montre et de fermer systématiquement les portes. Et a ma grande surprise, j'y parviens jusqu'au onzième tour. La course tire à sa fin, il faut que je tienne encore un tour. Je passe sur la ligne de chronométrage toujours devant la noire et rouge, mais le drapeau à damiers que j'attendais n'y est pas. Il faut tenir encore un ou deux tours... Je commence à être vraiment fatigué et mon pilotage est moins sûr.
A l'entrée du droite Bugatti, je foire un peu mon rétrogradage et suis obligé de prendre une trajectoire approximative qui m'oblige à remettre les gaz un peu plus tard que la normale. Cette erreur me coûte cher parce que mon poursuivant se retrouve à ma hauteur en arrivant au pont. Je n'ai pas d'autre alternative que d'attendre qu'il freine pour freiner à mon tour...
Le problème, c'est qu'il a freiné juste. Donc par conséquent, moi trop tard... Et il est passé devant pendant que je me battais pour rester sur la piste. ET deux cents mètres plus loin, le drapeau à damiers que j'attendais plus tôt me regardait d'un oeil goguenard...
Encore treizième. Vraiment un week-end poissard.
Cette troisième course est gagnée par la magnifique Dallara F311 du suisse Antonio PELLEGRINO devant Sébastien BANCHEREAU et Philippe HERBECQ.
La Dallara 311 de Tom BLOMQWIST, châssis identique à celle de PELLEGRINO. Ces voitures sont équipées d'une dorsale qui les stabilise en cas de dérapage à haute vitesse.
Pendant quelques heures, j'ai considéré ce week-end décevant. Décevant, il l'est par les résultats purement sportifs malgré la forte implication de toute une équipe. Mais finalement, ce serait passer sous silence que pendant ces trois jours et aussi pendant la semaine qui a précédé, j'ai complètement oublié que ma boite est en très grande difficulté, que l'économie française et européenne sont au bord du gouffre, que des allumés qui se réclament envoyés de Dieu sèment la terreur sur la planète en massacrant des innocents. Pendant ces quelques jours, j'ai cru que ce que je faisais, que ce que tous les membres de mon équipe faisaient avait un impact sur mon environnement. Et ça, c'est une immense victoire contre l'immobilisme. ça, c'est la vraie vie...
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